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entretien avec margaux othats

Parcours

J’ai passé un BAC général un peu au hasard. En terminale, j’avais tenté sans succès le concours pour l’école d'Art d’Épinal, je savais depuis le lycée que je voulais faire du dessin et de l’illustration. J’ai suivi des cours en prépa à Bayonne dans le but de repasser une seconde fois ce concours et de le réussir.

Entre temps on m’avait plutôt recommandé de faire mes études à Strasbourg. J’ai suivi le conseil et ai été admise aux Arts décoratifs de Strasbourg en
première année, j’ai intégré la section illustration
à la troisième année.



Strasbourg

Je suis arrivée à l’école avec l’idée de faire de l’illustration, puis de la seconde à la troisième année j’ai découvert plein d’autres choses: la photographie, le livre-objet... j’avais laissé de côté le dessin pendant cette période et me suis beaucoup enrichie.

En troisième année, j'ai passé 6 mois dans l'atelier livre de l'école. J'ai recommencé à dessiner à ce moment-là. Je n'étais pas très sûre de mon dessin mais le fait de l'envisager en même temps que le livre me mettait en confiance pour m'y remettre.

Comme pour beaucoup d’anciens étudiants, la rencontre avec Guillaume Dégé, comme enseignant dans la section, a été importante. Il m’a montré que l’illustration pouvait être autre chose que ce que je lisais enfant avec des albums classiques. Il considérait même que certains livres de photographie pouvaient relevés de l’illustration –cela m’avait aussitôt frappé et fait réfléchir à des projets.


 
Le livre

Ce qui m’attire dans le livre, ce n’est pas tant d'y dessiner, que d’y raconter des histoires avec des images. Le livre c’est aussi plein de souvenirs d’enfance auxquels je suis attaché. J’en ai toujours eu beaucoup petite.


L’illustration

Je vois l’illustration comme le vecteur pour raconter quelque chose, indépendamment d’un rapport ou non avec un texte. Deux images côté à côte racontent déjà une histoire. Même si elles n’ont rien à avoir, quelque chose se produit déjà si on les agence ensemble dans un livre.


 
La bande dessinée

J'ai du mal à lire des bandes dessinées, je suis souvent frustrée par la taille des cases et des dessins que je trouve en général trop petits, voir minuscules. J'ai l'impression qu'il y a aussi trop à lire sur une même page. Avant les Arts décos, je ne lisais presque jamais de bandes dessinées, peu de livres illustrés, surtout des romans ou des livres de photo. J'ai encore du mal à aller spontanément vers la bande dessinée ou les livres illustrés, préférant souvent les livres de photographie ou les romans.



Influence

Des auteurs comme Juliette Binet ont eu une influence très forte sur mon travail pendant mes études. C’était la simplicité dans ses livres qui me parlait, cela donnait de la force à la narration. Je me rendais compte qu’il n’y avait pas nécessairement besoin d’une intrigue ou d’un récit au sens traditionnel du terme pour raconter et faire un livre.

Je ne suis pas vraiment intéressée par des scénarios très travaillés. Je suis plus attirée par l’idée du temps, celui du récit, de la lecture. La possibilité de transformer un instant réel de quelques minutes en une centaine de pages.

Le travail de Dominique Gobelet m’a aussi beaucoup nourri, celui de Jochen Gerner également. Sans oublier des artistes comme Edouard Levé ou David Hockney ; ainsi que les écrits de Georges Didi-Huberman ou Aby Warburg.

Des cinéastes tels que Gus Van Sant avec le film Gerry, ou les derniers films plus expérimentaux d'Alain cavalier.


 
Le livre La Chasse

Une petite fille construit des animaux avec des pierres qu’elle ramasse. À chaque fois qu’elle termine ou est sur le point de terminer une construction, deux chasseurs surgissent et détruisent tout. En repartant des débris, elle reconstruit autre chose de plus grand que les chasseurs continuent de détruire ; jusqu’à la fin où la sculpture prend le dessus sur les agresseurs...

Je fais beaucoup de dessins dans des carnets. Le livre est justement parti d’un dessin dans un carnet où une enfant assemble des cailloux qui forment une créature. J’ai voulu étiré ce dessin dans un livre entier pour créer un récit, avec l’idée de destruction et de reconstruction.


 
La narration muette et l’interprétation du lecteur

J’écris beaucoup en parallèle des mes carnets de dessins ; jusqu’à maintenant je ne mélange pas les deux. Mes textes sont très imagés pour le moment et mes images racontent seules déjà beaucoup de choses. Je ne les rassemble pas encore, mais j’aimerais bien écrire et dessiner dans un nouveau projet.

J’aime le mystère que le récit muet donne aux images, on n’indique pas une direction précise au lecteur pour l’interprétation. J’ai par exemple ma propre interprétation pour La Chasse et j’aime l’idée que le lecteur puisse en avoir une autre, la sienne.

Par exemple, je ne voyais pas du tout les idées de l’obstination et de la persévérance en réalisant le livre. Beaucoup de lecteurs les ont aussitôt vu. Les enfants s’amusaient à reconnaître les animaux en pierre, ils ne voyaient pas toujours le même que moi. Chercher à quel animal correspond tel sculpture est un jeu dans le livre.


 
Le choix du format

Je voulais d’abord jouer sur le rapport entre deux images en vis-à-vis, puis casser cette linéarité du livre en déployant l’image sur l’intégralité du format. Le personnage de l’enfant aussi s’émancipe avec l’image dans le récit. L’histoire est liée à l’objet-livre et à sa manipulation.


 
Le rapport au temps

J’aime fixer le temps dans une image ou une suite d’images. J’aime l’acte contemplatif. En photographie, je suis très sensible au travail de Raymond Depardon, pour sa façon d'aborder la photographie, mais aussi pour son rapport au texte. Le texte ne raconte jamais la photo. Il parle de ce qu’il y avait autour, de son contexte. Ses images peuvent paraître assez vides quand on les regarde, elles sont en réalité un support pour le texte. Les livres de Depardon m’ont vraiment aidé à construire ma façon de faire un livre. Errance (Seuil) est le livre que je préfère de lui.

Ce qui me parle dans la photo, c’est avant tout l’appui sur le réel. Pouvoir créer des ambiances et arrêter le temps sur des détails.

En ce moment je lis les livres de Bernard Plossu, le premier livre Le jardin des pierres (Filigrane) que j’ai découvert de lui traite des minéraux. Il a aussi beaucoup travaillé sur le paysage. Ce sont des éléments qui comptent particulièrement pour moi.


 
La suite

Dans mes prochains projets, je voudrais vraiment lier le texte et l’image. Dans mon mémoire de fin d’études, j’avais étudié plusieurs livres qui questionnaient le rapport texte-image; Les Hommes-Loups de Dominique Gobelet (Frémok) par exemple. Mon mémoire partait d’ailleurs d’une interview d’elle où elle déclarait qu’il faudrait inventer une nouvelle "table" en librairie pour les livres qui ne seraient ni de la bande dessinée (au sens traditionnel), ni du livre d’art, mais qui seraient entre les deux.

J’essayais de savoir quels livres pourraient présenter cette nouvelle "table", aussi bien sur le plan symbolique par rapport au travail de l’avant-garde aujourd’hui, qu’avec des exemples concrets et immédiats d’ouvrages faisant le lien entre l’illustration et la bande dessinée.



propos reccueillis par JM
07/2014



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